
"Les Batailles sont les bornes kilométriques de l'Histoire"
Patrick Ritt




L'Europe vers 1757

La disposition des armées
Bataille de ROSSBACH le 5 Novembre 1757
Introduction
En 1748 prend fin la guerre de succession d’Autriche, où cette dernière se verra amputée d’un riche territoire : la Silésie. Cette région a été conquise par Frédéric II au profit de la Prusse lors des combats.
La période de 1748 à 1756 est marquée par toute une série de complots politiques et de spectaculaires renversements d’alliances. Sous l’instigation de la Saxe, un rapprochement s’opère entre « les trois putains de l’Europe », comme les appelle Frédéric II : la française Mme de Pompadour, la tsarine russe Elisabeth Petrowna et l’impératrice autrichienne Marie-Thérèse. Cette dernière espère tirer profit de cette alliance en prenant sa revanche sur la Prusse et récupérer ses territoires de Silésie.
Frédéric II, roi de Prusse, percevant la menace de cette coalition, prend les devants et envahi le 29 août 1756 la Saxe et enferme les 17 000 hommes de l'armée saxonne dans le camp retranché de Pirna. Le jeu des alliances entraîne toute l'Europe dans la guerre.
La Campagne
Après avoir pris au piège les troupes saxonnes, le roi de Prusse se lance en Bohème. A Lobositz, une première armée Autrichienne est défaite (1er octobre 1756). Frédéric parvient à assiéger Prague. Le 6 mai 1757, il remporte une coûteuse victoire devant la ville. Poursuivant son ennemi, il est tenu en échec à Kolin (18 juin) perdant 14 000 hommes sur 33 000. Les Prussiens doivent se replier hors de la Bohème.
Les deux alliés de l'Autriche ne sont pas restés statiques. Les Russes ont envahi la Prusse Orientale et ont défait les forces du Feld-maréchal von Lehwaldt à Gross-Jägersdorf (30 août 1757). Entre temps, les troupes Françaises ont battu l'armée Hanovrienne (soutenue par les Anglais) à Hastenbeck le 26 juillet. Cette défaite force les Anglais à signer le traité de Klosterseven. Le flanc nord de l'armée Française est libre. Louis XV peut envoyer en Thuringe une armée commandée par le prince de Soubise.
Jointe aux forces du Reich sous les ordres du prince Hildburghausen de Saxe, l'armée française doit engager le roi de Prusse sur son front occidental. De leur côté, les Autrichiens s'apprêtent à envahir la Silésie. Suivant le principe de la concentration des troupes, "wer alles conservieren will, der conservieret nichts", Frédéric II déploie d'abord toute son armée vers Prague afin de retarder les Autrichiens. Puis, les Russes étant encore loin, il se dirige vers la Saxe, à la rencontre des forces franco-allemandes. Le 4 novembre les deux armées se font face près du village de Rossbach.
Les force en présence
L'armée alliée forte de 30 000 français et de 11 000 impériaux du Reich constitue un ensemble hétéroclite. Les soldats français, aux dire de leurs propres généraux, forment : "une bande de larrons, la pire infanterie au monde qui ne fût jamais, et la plus indisciplinée". Les soldats du Reich ne montrent pas un grand enthousiasme pour la cause autrichienne et ne cachent guère leur sympathie pour la Prusse. Le prince de Soubise est dépourvu de toute qualité militaire en dehors de son courage. Le prince Hildburghausen, en revanche, ne manque ni d'expérience ni d'habilité.
Les 25 000 prussiens brillent par leur vaillance et leur discipline de fer. Un entraînement intense et de nouvelles méthodes tactiques en font la meilleure infanterie d'Europe. Commandée par des généraux comme Seydlitz, la cavalerie prussienne est devenue l'égale de la cavalerie autrichienne. Les généraux prussiens montrent dans l'ensemble un grand degré d'initiative.
La bataille
Le Prince de Soubise décide de contourner par le sud le camp prussien installé près de la ville de Rossbach afin d'aller menacer les communications de Frédéric II sur le Saale.
A 11 heures 30, l'armée alliée se met en marche, tambour battant, le long des hauteurs conduisant à Reichardtswerben, par Pettstädt. En dessous d'elles, sur leur gauche, les troupes peuvent voir les tentes du camp prussien. Hildburghausen propose bien de changer la marche de flanc en attaque générale, mais rien n'y fait.
Frédéric II met du temps à réagir aux mouvements des alliés. Vers 14 heures 30, en moins de 2 minutes, toutes les tentes des Prussiens s'abattent sur le sol "comme si une main avait tiré une ficelle sur une scène de théâtre". L'armée prussienne disparaît derrière les collines de Janus.
L'artillerie, précédant l'infanterie, va se positionner sur les hauteurs de Janus tandis que la cavalerie de Seydlitz se met en place pour repousser l'avance ennemie.
Croyant à une retraite des prussiens, les alliés se lancent à la poursuite de l'ennemi pour l'écraser avant qu'il ne s'échappe.
De tous les corps de cavalerie marchant en tête des cinq colonnes alliées, seuls les cuirassiers autrichiens de Brettlach et Traumannsdorf peuvent se déployer lorsque la charge de Seydlitz débouche de derrière le rempart de la colline de Pölzen. Très vite, la cavalerie alliée se débande vers le sud et l'ouest. Seydlitz, au lieu de poursuivre les fuyards, va reformer ses escadrons dans les vallons près de Tagewerden.
A l'ombre d'un orme, Frédéric dirige maintenant la marche de l'infanterie par-dessus la crête de Janus. Les scènes de la charge de cavalerie se répètent pour l'infanterie alliée. Quelques régiments français s'efforcent de se ranger en ordre de bataille et d'avancer hardiment vers l'ennemi mais la première salve de mousquets des prussiens arrête l'offensive. Les régiments du Reich hésitent, leur flanc menacé par la cavalerie de Seydlitz, puis se dispersent sans avoir pris part au combat. Seul deux régiments suisses, au service de la France, restent ancrés "tel un mur de briques rouges", mais le soir tombe sur les restes d'une armée dispersée dans toutes les directions.
Les pertes
Les Prussiens ne perdent que 548 hommes et officiers, alors que la bataille a coûté aux alliés environs 5 000 tués et disparus, et un nombre égal de prisonniers.
Les conséquences
La victoire écrasante de Rossbach permet à Frédéric de se retourner contre les Autrichiens. Durant tout le restant de la guerre, il ne sera plus inquiété par les Français qui ne tenteront que des opérations limitées sur leur front.