
"Les Batailles sont les bornes kilométriques de l'Histoire"
Patrick Ritt




L'Europe au moment de la guerre de succession d'Autriche
Bataille de FONTENOY le 11 Mai 1745
Introduction
Le long règne de Louis XIV n’a été qu’une succession de traités de paix suivies de guerres meurtrières. Vers 1715, au début du règne de Louis XV, les nations fatiguées semblent retrouver leur bon sens et aspirer à la paix.
L’empereur du Saint-Empire Germanique, Charles VI de Habsbourg, meurt en 1740. Il pensait avoir réglé trente ans plus tôt ses problèmes de successions en édifiant la « pragmatique sanction » : un édit permettant qu’en l’absence d’héritier mâle, le trône puisse revenir à sa fille ainée. Marie-Thérèse succède donc à son père après sa mort, à la tête des possessions conséquentes de la maison Habsbourg : l’archiduché d’Autriche, le royaume de Bohême, le royaume de Hongrie et le royaume de Croatie.
Mais ceci était sans compter les remous politiques qui agitent continuellement l’Europe ! Une puissante coalition, regroupant la France, l’Espagne, la Saxe, la Bavière et la Prusse se forme contre l’impératrice.
Cette coalition pense profiter de l’arrivée au pouvoir d’une « faible femme » pour dépecer l’Empire des Habsbourg. Seuls l’Angleterre et plus tardivement les Provinces-Unies soutiendront la jeune Impératrice.
Un premier plan de campagne, destiné à porter la guerre en Bohême et sur le Danube, se solde par un grave échec pour les Français.
La Campagne
En 1744, la France lance une offensive plus réaliste vers les Pays-Bas autrichiens. Le Maréchal de Saxe parvient à prendre quelques places fortes qu’il défend avec ses 40 000 hommes contre la contre-offensive des 70 000 hommes du prince Charles-Auguste von Waldeck, commandant de l’armée hollandaise.
Le 21 avril 1745, les Français, renforcés à 90 000 hommes, lancent une nouvelle campagne vers les Flandres. Surpris dans leurs cantonnements d’hiver, les troupes anglaises, hanovriennes, hollandaises et autrichiennes ne peuvent empêcher le siège de la place forte de Tournai dès le 25 avril.
Le duc de Cumberland, général britannique et membre de la famille royale, prend le commandement des forces alliées. Le 28 avril 1745, il concentre son armée autour de Bruxelles. Via Mons et Fontenoy, il décide de marcher vers Tournai pour défaire l’étau français

La disposition des armées au début de la bataille

Situation vers 13h30 telle que représentée sur le diorama
Les force en présence
Laissant 20 000 hommes au siège de Tournai, le Maréchal de Saxe choisit d’arrêter ses adversaires à Fontenoy. Le 10 mai, l’armée française est forte de 51 bataillons d’infanterie, 93 escadrons de cavalerie et 60 canons. Ces 50 000 hommes se déploient dans les environs du village de Fontenoy. Pour renforcer sa position, le Maréchal fait bâtir plusieurs redoutes et fait fortifier les villages alentours. L’armée est formée en potence, Fontenoy en son centre, qui forme l’angle de l’équerre. Fait important pour le moral français, le roi Louis XV, accompagné du dauphin, est présent à la tête de ses troupes, une situation qui ne s’est plus produite depuis Jean le Bon à Poitiers. Mais le Roi laisse une entière liberté de commandement au Maréchal de Saxe.
Le 11 mai, vers 2 heures du matin, l’armée alliée commence sa marche d’approche vers Fontenoy. Le duc de Cumberland dispose de 52 bataillons d’infanterie (20 anglais, 27 hollandais, 5 hanovriens), 89 escadrons de cavalerie (19 anglais, 45 hollandais, 16 hanovriens, 9 autrichiens) et 80 canons. Un effectif approchant les 50 000 hommes, comme l’armée française.
La bataille
A 5 h 30, la canonnade commence. Le duc de Cumberland lance 4 bataillons à l’assaut du bois de Barry pour assurer son flanc droit. Mais la brigade anglaise hésite à s’aventurer dans le bois tenu par les arquebusiers de Grassin. Malgré cet échec, Cumberland déclenche l’attaque générale.
A gauche du dispositif allié, les Hollandais s’avancent vers les redoutes françaises. Mais découragés par le feu de l’artillerie qui leur inflige de nombreuses pertes, ils ne peuvent arriver au contact et s’arrêtent… pour ne plus bouger de la journée.
C’est donc sur le front anglais que se jouera la bataille. Mais pour cela il faut neutraliser le point fort formé par le village de Fontenoy. L’assaut est acharné. D’abord les Hollandais, puis les Anglais, assaillent les redoutes.
A 10 heures, les alliés n’ont toujours pas entamé le dispositif du Maréchal de Saxe.
Sa gauche paralysée, son centre bloqué, Cumberland décide de lancer son assaut décisif entre Fontenoy et le bois de Barry. Le terrain, trop exigu, ne permet pas aux 16 000 anglo-hanovriens de s’étendre correctement et c’est en formation compacte qu’ils marchent sur les Français.
Les brigades françaises d’Aubeterre et des Gardes encaissent le premier choc… et sont misent en déroute immédiatement. C’est à cette occasion que se serait déroulé le célèbre dialogue rapporté par Voltaire.
Le capitaine Hay des Gardes Anglaises interpelle le comte d’Anterroches, son homologue des Gardes Françaises :
« Monsieur, faites tirer vos gens » et ce dernier de répondre « Non Monsieur, nous ne tirons jamais les premiers ». Pensant pouvoir faire tirer les Anglais de trop loin, le capitaine français a sous-estimé la qualité du feu anglais.
Dès 13 h, la situation des Français devient critique. La première ligne, composée des meilleures troupes, a été enfoncée. La cavalerie française essaye vainement d’arrêter les Anglais. Déjà, l’entourage du Roi lui demande de se retirer. Mais le Maréchal de Saxe, cloué sur une civière par une crise d’hydropisie (œdème lié à un épanchement d’eau dans le corps), garde son calme et distribue ses ordres.
La résistance de Fontenoy fait pivoter le dispositif anglais, un peu comme tourne parfois une mêlée de rugby.
Maintenant la cavalerie française menace les flancs des lignes ennemies. Les Anglais, afin de se protéger, doivent former un grand rectangle, la deuxième ligne doit faire face vers l’arrière… et toutes les lignes anglaises, invincibles dans leur avance jusque-là, vont être immobilisées en plein milieu du champ de bataille.
Le Maréchal rallie toute son artillerie, qui peut enfin s’abattre sur cette masse immobile. Les régiments irlandais et même la Maison du Roi vont se lancer à l’assaut. Les Anglo-Hanovriens finissent par céder sans toutefois rompre et se replient couvert par leur cavalerie.
Il est 14 h 30. Le maréchal Maurice de Saxe vient de remporter sa plus célèbre bataille.
Les pertes
Fontenoy est une bataille meurtrière. Chaque camp déplore environs 7 500 hommes mis hors de combat (blessés comme tués).
Les conséquences
Le duc de Cumberland retire son armée vers le nord. Isolée, la citadelle de Tournai tombe le 20 juin. De 1746 à 1748, les Français remportent deux autres victoires sur les alliés, à Rocou en 1746 et à Lawfeld en 1747.
Enfin, le 18 octobre 1748, le traité d’Aix-la-Chapelle met fin à la guerre de succession d’Autriche. Le grand gagnant de cette guerre est Frédéric II, roi de Prusse, qui après un abandon momentané de l’alliance, parvient à garder la riche Silésie. Ce sera, une dizaine d’année plus tard, la cause du déclenchement de la guerre de Sept Ans.
Marie-Thérèse a, contre toute attende, gardé sa couronne. Louis XV, dans un grand geste pacifique restitue toutes les conquêtes. Dans l’ensemble, Prusse exceptée, les grandes nations européennes sortent affaiblies de ce conflit.